RTO 19 Rencontre du Réseau TO 06-07 avril 2024 à Montreuil (93)
QUI PEUT REMPLACER QUI DANS UN THEATRE FORUM ?
ANALYSE DE 4 SITUATIONS.
1) LE COMMANDITAIRE «je sais tout»OMNIPRESENT SUR SCENE
2) REFUSER UN REMPLACEMENT ? VIOLENCE SUR SCENE
3) QUI VEUT QUE LA SITUATION CHANGE ? QUI REMPLACER ?
4) QUI REMPLACE LA JEUNE FILLE VOILEE? ENJEU DE LA SCENE?
autres questions…
1) COMMANDITAIRE «je sais tout»OMNIPRESENT SUR SCENE
Commande d’un TF sur les oppressions sexistes et sexuelles,; public d’étudiant·es.
Problème: le commanditaire participe et vient vite jouer un personnage supplémentaire. Il prend toute la place, ne parle qu’au public, ignore les acteurs, ne joue pas, et développe tous les savoirs qu’il lui semble bon de faire passer. La jokère, démunie, finit par le faire se rasseoir, mais les étudiant·es ne participent plus. Comment relancer la dynamique ?
Propositions :
- tenter, comme jokère de ramener l’intervenant au jeu théâtral
-les personnages sur scène peuvent tenter de le remettre en jeu en l’interpelant. - rappeler l’objectif du théâtre-forum, de ce qu’on fait ensemble : tenter de transformer la situation, en modifiant l’attitude d’un personnage auquel on s’identifie.
- mieux définir avec la personne ce qu’elle veut faire, avant qu’elle monte sur scène.
- renforcer le personnage oppresseur face au commanditaire sur scène (indications du joker au comédien ?)
- laisser le commanditaire retourner à sa place puis proposer au public de venir tester la théorie qu’il a exposée, pour concrètement, tenter de mettre en pratique ce qui vient d’être dit.
- après l’intervention, interroger le personnage opprimé: « ça va mieux pour toi » ? ça t’a aidé·e » ?
-Lors d’un RV en amont avec le commanditaire, bien poser le cadre d’intervention : « on va faire un théâtre forum, donc chercher ensemble, et pas leur demander d’écouter une conférence.
- Bien définir les places de chacun·e (qui dirige la séance?). ça n’empêchera pas forcément l’intervention abusive du commanditaire, mais au moins la jokère aura un levier en plus.
-Peut-être demander à ce que le commanditaire n’intervienne pas. Pourquoi pas lui donner un autre rôle pour qu’il ne se sente pas mis à l’écart.
- Bien définir les places de chacun·e (qui dirige la séance?). ça n’empêchera pas forcément l’intervention abusive du commanditaire, mais au moins la jokère aura un levier en plus.
- Comment recadrer « gentiment » un commanditaire qui pourrait nous refaire travailler ?
2) REFUSER UN REMPLACEMENT ? VIOLENCE SUR SCENE.
Contexte : forum devant des élèves de 4eme, sur le harcèlement.
Une ado est assise sur une chaise, elle ne parlera pas de toute la scène. Deux autres ados arrivent. L’une la harcèle, l’insulte et la bouscule. L’autre ne sait pas quoi faire, n’agit pas, et suit la harcelées.
Problème rencontré : -La jokère se retrouve à refuser à un garçon le remplacement de la fille opprimée, car ça ne lui semble pas cohérent. Le garçon propose alors de s’ajouter et d’empêcher la harceleuse d’agir en la «défonçant». La jokère refuse une seconde fois, mais laisse finalement l’élève venir tester « quelque chose » (??) Improvisation, et la situation dégénère avec de la violence. - Devait-elle lui refuser la première fois de remplacer l’opprimée? La seconde fois, doit-on lui permettre de venir tester sa proposition qui induit de la violence ?
- -Plus généralement, comment accueillir et traiter la violence ?
- L’élève était lui-même identifié comme potentiel harceleur. Lui a-ton donné une place·dans ce TF ?
Propositions: - a) le laisser remplacer l’opprimée, mais après avoir rappelé les règles sur les limites physiques
- b) amener le débat dans la salle sur ce qui vient de se passer
- c) modifier le modèle :
- utiliser la technique de la pensée à voix haute, pour faire entendre les pensées de l’amie de la harceleuse
- baisser l’intensité de jeu pour limiter la violence, baisser le curseur d’oppression.
- ajouter une petite scène en amont, entre l’opprimée et une amie à elle.
- avant de jouer la scène, la jokère pourrait interviewer les 3 personnages sur leurs états, les enjeux de la situation pour chacun·e.
- ajouter une petite scène en amont, entre l’opprimée et une amie à elle.
- baisser l’intensité de jeu pour limiter la violence, baisser le curseur d’oppression.
- responsabiliser l’élève sur scène
- mettre comme règle « on ne se touche pas »,Faire STOP, recommencer tant qu’il y a « toucher.»
- rappeler que les élèves peuvent ajouter une scène avant ou après, peuvent ajouter des personnages (on peut jouer un prof, une CPE…)
- ouvrir le forum à d’autres situations vraisemblables, que les élèves ont rencontrées.
- rappeler que les élèves peuvent ajouter une scène avant ou après, peuvent ajouter des personnages (on peut jouer un prof, une CPE…)
- mettre comme règle « on ne se touche pas »,Faire STOP, recommencer tant qu’il y a « toucher.»
- demander à l’opprimée comment elle a vécu ce qui s’est passé. (l’opprimée peut à ce moment-là parler à l’élève venu sur scène)
- remercier l’élève puis questionner, demander si la violence peut résoudre certaines situations ?
- Faire remarquer qu’il y a des leaders et qu’ils pourraient devenir des leaders positifs.
- Interroger sur les conséquences: Qu’a produit la violence et que produira-t-elle ?
3) QUI VEUT QUE LA SITUATION CHANGE ? QUI PEUT-ON REMPLACER ?
Contexte : soir du 8 mars en centre de formation pour travailleurs et travailleuses sociales
La scène en famille : La mère dit à la fille de mettre la table. Elle demande pour cela le soutien de son mari. il n’est pas disponible, il est sur son téléphone, avec son fils qui joue aux jeux vidéos. Le forum:
-Quelqu’un veut remplacer la mère:
«Pas possible parce que la mère est elle-même vecteur du patriarcat ». -Une femme veut remplacer le mari: «non, il, est oppresseur, de plus, vous êtes une femme».
Problèmes rencontrés et débat : -Se demander qui, parmi les personnages, a envie que la situation change ? Et donc qui est opprimé et qui peut-on remplacer ? -Des hommes peuvent-ils remplacer des femmes et inversement ? - Si la mère était remplacée, son changement d’attitude serait-il «magique » ?
-Note: pour le public, il n’y a pas de problèmes à remplacer la mère, puisqu’elle est opprimée.
- Notons le manque de clarté des volontés dans la scène. Quelle est la volonté de la mère ?
- Tout dépend aussi de la composition du public. Jeunes ? Adultes ?
- Clarifier avec le public: la mère est oppresseure ou la mère est opprimée ?
Propositions en remplacement de la jokère:
-demander: «quels problèmes voyez-vous dans la scène, avec qui êtes-vous en solidarité »?
-dire: « pour celles qui se reconnaissent dans le rôle de parent, vous jouez le rôle de la mère et pour celles qui se reconnaissent dans le rôle de la jeune, remplacez la jeune fille. - Modification du modèle :
- ajouter des personnages masculins pour que les personnes qui se reconnaissent dans les hommes (non machistes) puissent faire des remplacements.
-faut-il accepter de laisser remplacer la mère par un homme ?
- ajouter des personnages masculins pour que les personnes qui se reconnaissent dans les hommes (non machistes) puissent faire des remplacements.
- pas agréable de voir un homme me conseiller sur comment me comporter comme femme !
-demander: qui parmi les femmes qui sont là, a envie de lutter dans sa propre vie ? -Les solidarités des hommes sont possibles, comment les mettre en scène ?
-On pourrait aussi voir un couple homosexuel ? ça déplacerait la question du patriarcat. Est-ce qu’on perdrait le sujet principal de la scène ? - Laisser faire le remplacement, puis débattre avec le public sur sa légitimité. -Pour certains, c’est un jeu d’acteur et donc »je peux jouer une femme en étant un homme ».
- Pour d’autres, « tu interviens forcément avec ta condition d’homme, (et tu es vu ainsi par le public) tu interviens avec ce que tu vis dans le monde social ».
-On peut parler de domination masculine même entre hommes, et reproduire un système d’oppression de genre. on peut qualifier certaines oppressions de masculines alors qu’elles sont agies par une femme.
-On travaille sur un système d’oppression ou sur un système d’assignation (de genre) ? - Modification du modèle : -S’en sortir en rajoutant un nouveau personnage (un autre homme) -jouer une scène avant celle-ci, avec d’autres ami·es où la mère explique comment ça se passe dans sa famille et aussi avec d’autres ami·es qui ont une vision différente -mais attention à ne pas être didactique et donner des solutions (comme si la femme en avait besoin), ne pas enfermer le public dans des pistes qui sont les nôtres.
- demander aux personnages ce qu’ils ont ressenti, vécu.
- A la place du joker :
-Proposer au public d’ajouter un personnage, (une amie de la mère).
proposer de poursuivre la scène pour voir les conséquences de la proposition (par ex voir la mère dans sa famille) mais faire attention qu’il ne reste pas que des comédiens sur scène !
4) QUI PEUT REMPLACER LA JEUNE FILLE VOILEE? QUEL EST L’ENJEU DE LA SCENE?
Scène : une jeune fille qui porte le voile, descend du bus scolaire avec une amie. A l’entrée du lycée, elle rencontre le CPE qui lui demande d’enlever son foulard. Elle l’ôte mais le garde autour du cou. Cela ne convient pas au CPE.
Problème rencontré :
Une femme voilée dans le public exprime sa solidarité avec la jeune fille mais n’a pas encore d’idée de remplacement, du coup, un homme veut venir remplacer. -Peut-il remplacer la jeune fille ? La jokère s’interroge, mais une autre femme, non voilée, souhaite, elle aussi, venir remplacer. Là non plus, la jokère ne sait pas quoi faire.
Propositions en remplacement de la jokère : - Demander à l’homme de prendre le rôle d’un ami de la jeune fille voilée. De la même manière proposer à la jeune fille non voilée de jouer le rôle d’une amie.
- Discussion : Autorise-t-on une homme à remplacer une femme voilée ?
- -Partage d’une expérience similaire: «ce fut l’occasion pour le jeune homme de toucher du doigt les difficultés rencontrées par les femmes voilées ».
-Chez NAJE: historiquement, un homme quelle que soit sa classe sociale pouvait remplacer un ouvrier. C’est le « positionnement universaliste ». Mais, le théâtre-forum veut permettre de s’entraîner à poser des actes dans la réalité, d’où l’intérêt d’expérimenter (et de remplacer) depuis notre place réelle De ce point de vue, un homme ne peut pas remplacer une femme voilée. -La posture universaliste peut être questionnée selon le public. -Cependant, l’exploration de choses que nous ne pouvons pas faire en réalité peut aider au changement. Ainsi prendre la place qui n’est pas la sienne dans la réalité peut permettre à la personne initialement non concernée de s’impliquer, et de se positionner différemment. Exemple : TF en milieu carcéral, les détenus peuvent aller remplacer l’assistant.e social.e, (vu comme oppresseur ici) cela les aide à clarifier leurs propres besoins et à se positionner, se projeter différemment par la suite. - il est important de préciser le parti pris et l’enjeu de la scène du voile s’agit-il de questionner la laïcité à l’école ? Lutter contre l’oppression islamophobe portée par l’école ? -ce qui peut guider le choix des remplacements: se dire qu’on travaille pour que les personnes qui se sentent proches de la jeune femme voilée soient davantage en capacité de réagir dans la même situation. « la synthèse » ne pas négliger la place et le sens de ce moment qui suit chaque remplacement: l’occasion de réagir, de dire ce qui a été vu, de sentir si la proposition jouée parle au public. -Débat entre idéalisme et matérialisme : croit-on à la force des idées dont tout un chacun peut s’emparer ? Ou bien se dit-on que l’idée ne peut-être développée que par quelqu’un qui vit le problème ? En spectacle ou en atelier ? le positionnement sera différent. En atelier, clarifier ce que le groupe a envie d’aller travailler, en lien avec ses histoires, les vécus. La responsabilité ne revient pas seulement au joker !
- Comme comédien même:
Peut-on jouer un personnage très éloigné de notre propre vie ?
Ici, concrètement la jeune fille non voilée était jouée par un homme et la jeune fille voilée par une femme qui ne se voile pas !!
-NAJE: certains retours nous ont questionné sur la légitimité de tout ça !
Une solution: demander aux femmes voilées du public si elles mandatent les comédien·nes ?
Autres situations et questions exposées en début de rencontre
A) Théâtre forum relations garçons filles, vie affective et sexuelle. Public scolaire: filles. scène: Une jeune fille enceinte après un rapport non protégé. Une fille du public veut remplacer le garçon (joué par un comédien). Est-ce légitime ?
B) Dans un TF sur l’alimentation, l’oppresseur opprime tous les autres. Mais il est aussi opprimé par le système Peut-on le remplacer ? Ce remplacement serait-il une « solution magique » ? il n’y aurait plus de réflexion sur le problème exposé ?
C) Que faire quand le public ne s’identifie pas, et n’est d’accord avec aucun des personnages ? Rajouter un personnage ? Cela signifierait-il que le spectacle était incomplet dès le départ ?
VOS REMARQUES, QUESTIONS, TEMOIGNAGES SONT SOUHAITES !
Envoyez-les à nos 180 adresses en écrivant à: participants@listes.reseau-to.fr
ou si vous préférez que je les regroupe: à contact@reseau-to.fr
Texte corrigé, sous-titré et mis en forme par JF Martel, jf.martel@orange.fr à partir des notes prises et rédigées par Jérôme (Histoire d’en jouer), Marie (Arlette Moreau) et Noémie (Ficelle).