Jacqueline Martin, notre grande dame humaniste, révoltée, aux cheveux rouges, au grand sourire et au poing levé, menait le théâtre du Potimarron avec Jean-Mi, à Strasbourg. Elle nous a quittés le 3 mars 2025, à 83 ans.
Samedi 8 mars, une cérémonie du souvenir a réuni 150 personnes, pour deux heures de témoignages, de chants qu’elle aimait : bella ciao, l’hymne des femmes, Bob Dylan : blowing in the wind, la révolution permanente, donne moi l’asile (composé par Jean-Mi) de flûte, de guitare et de piano, de poèmes, devant un cercueil complètement décoré par ses filles: Bénédicte et Laura, ezt leurs enfants, devant le cercueil des photos de héros de la résistance, le tableau du chant des partisans… et au-dessus un carroussel de photos.
Fabienne et JF, présents à Strasbourg, ont lu les témoignages de Fabienne, Nicole, Noémie, JF. Ci-dessous ces 4 textes (2 pages et demie). Des photos suivront.
De Fabienne :
« Continuer sa conversation intérieure avec un inconnu ».
Je t’ai entendu dire cela tant de fois, et je t’ai vu le faire surtout.
ça te donnait un coté un peu fou, cette volonté de vouloir partager avec tout être humain.
Avec toi, on comprenait ce qu’est l’humanisme. Tu étais l’humanisme.
Tu avais une foi inébranlable en la nécessité d’agir pour emmener le monde vers la vie,
pour lutter contre les dominations, l’oppression. Tu as mis toute ta vie et toute ton énergie au service de cette lutte. Mais toujours dans une forme de lutte généreuse, affectueuse.
Tu as toujours été l’incarnation de la générosité.
Il y a plus de 30 ans, nous avons commencé par construire un spectacle de théâtre forum ensemble. Puis nous l’avons fait chaque année avec Jean Mi.
Long compagnonnage, co-écriture, co-mise en scène, discussion permanente sur nos vies,
nos soucis, nos peines, nos joies, la politique, l’actualité, le monde.
Nous nous sommes beaucoup aimées nous nous sommes beaucoup donné l’une l’autre,
beaucoup soutenues dans les moments difficiles.
Une belle et longue amitié d’une vie entière.
Je me souviens de la dernière fois que vous êtes venus en camion, dans le Cantal chez ma mère, en été : cette discussion ininterrompue, qui cesse au moment d’aller se coucher, mais et reprend dès le petit déjeuner ! Et tes chansons, et la joie que tu mettais à les chanter pour notre petit auditoire.
Je garderai ces moments au chaud dans mon cœur pour te garder vivante en moi.
Tant que je ne t’oublie pas, tu continues à m’accompagner.
Fabienne Brugel
De Nicole :
Je pense d’abord à toi, Jean-Mi, de tout mon cœur.
Et voilà ce qui me vient quand je pense à Jacqueline :
Amour de TOUT, sauf de l’injustice.
Amour des gens, amour de tous, sauf des injustes.
Joie devant tout, sauf l’indifférence.
Joie encore devant la lutte.
Et même colère, la grande et belle colère
qui prend la forme du chant, l’allure de la danse.
Révolution permanente. Espérance intarissable.
Un tel feu dans l’âme – est-ce possible ?
Pourquoi t’en vas-tu, Jacqueline, juste avant le printemps ?
Peut-être dirais-tu :
« pour que vous regardiez les fleurs, la lumière, tout ce qui est renaissant ! »
Par les temps qui courent, il vaudra mieux penser très souvent à Jacqueline…
Jacqueline,
qui danse et chante cette fois avec les étoiles.
Et … ce qui ne m’étonnerait pas : sans doute encore avec le poing levé.
Nicole Charpail
De Noémie :
Jacqueline et Jean-Mi, quand je les vois, j’ai toujours le sourir
Ils sont beaux tous les deux.
Ils sont touchants parce que pleins de vie… à leur âge !
Jacqueline, encore pleine de désir, de joie, de lutte, d’énergie, de vitalité.
C’est dur de l’imaginer ne plus être…
Jacqueline, c’est ce qu’on appelle un personnage :
Elle existe au delà d’elle, donc elle existera toujours.
Je les imagine trop bien, débarquer dans les collèges avec leurs dégaines !
Les mini shorts de Jacqueline, ses cheveux rouges et les costumes chics et colorés
de Jean Mi, avec ses cheveux en bataille !
Leur côté décalé et en même temps tellement là !
Tellement juste dans ce qu’ils font et surtout pourquoi ils le font.
Jacqueline qui prend la parole haut et fort pour faire entendre ce qu’elle a à dire, nous chante la lutte lors des rassemblements du réseau TO.
J’ai vraiment envie de la remercier d’exister, c’est con de le faire alors qu’elle n’est plus là… Merci de donner à voir une vie dévouée à à la revendication, à la lutte collective contre les oppressions, au théâtre de l’opprimé,
Moi, (qui suit beaucoup plus jeune) je lui dis merci de donner à voir autant d’énergie à un âge bien avancé. Jacqueline m’aura montré qu’il n’y a pas d’âge, voir qu’il n’y a pas de finitude !
Noémie Dumont.
De Jean-François
Chère Jacqueline, et cher Jean-Mi, on se connait par le TO depuis presque 30 ans…
Jacqueline, nous nous retrouvons pour te célébrer, ce 8 mars 25, journée de lutte pour les droits… des humaines !
Je n’oublie pas votre place déterminante dans la création du réseau TO :
Il y eut les festivals de TO « rencontres nord sud », à Strasbourg, en 2010, 2012, où vous y aviez invité des théâtres forums, vous aviez joué les vôtres, reçu les groupes: Alternative théâtre de Liège, TOP de Lille, Naje bien sûr, Kadou Yarax du Sénégal, le groupe de TO des sans papiers de Lille… Logé toutes ces équipes !
Au cours de ces festivals, l’envie de se retrouver plus souvent entre groupes TO a mûri.
Si bien que le 2 déc 2013 à Lille, après un stage de Sanjoy et Sima de Jana sanskriti, vous étiez, avec le groupe du Potimarron à la rencontre « vers un réseau TO » puis à la plupart des rencontres suivantes, tous les 6 mois.
Tu n’as jamais raté une occasion de chanter, des chants révolutionnaires, féministes !
Alors, pas besoin de vous prier pour avoir un concert » voix et guitare dans ces rencontres : voix forte bien sûr, et poing levé évidemment !
Quelle force vous dégagiez tous les deux.
Je me souviens aussi du théâtre forum « nos malades se portent bien » que Jacqueline avait créé avec des malades du cancer. Fallait oser ! Jacqueline osait.
Avec ma compagne Claire, venus une semaine nous reposer chez vous, on était évidemment allés voir un théâtre forum que le Potimarron jouait dans un village, avec toi comme jokère flamboyante ! .. Et le souvenir épique d’un retour automobile mouvementé, chaotique, (comme vous avez toujours su en créer,me dit-on )!!
De rencontres en rencontres du Réseau TO, vous remettiez sur la table la nécessité de créer ensemble des spectacles pour lutter contre l’extrême droite. Sans succès alors.
Mais voilà qu’en 2025 le groupe Naje fait un chantier national sur ce thème avec des gens venus de toute la France. Ah !!! ça t’aurait plu, ça, Jacqueline.
Tu aimais les gens, Jacqueline. Tu n’avais pas ta langue dans ta poche quand des débats contradictoires surgissaient, mais toujours, à côté de ta voix passionnée, un grand sourire !
Ton image reste dans mon coeur et dans les coeurs de ceux qui t’ont connue, connue un peu, connue beaucoup:
Une femme libre, qui se joue de son âge, toujours combative, dans la joie et l’enthousiasme. « On est toujours le soleil de quelqu’un, mais on ne le sait pas toujours ».
Merci Jacqueline. Et… j’espère que tu sais que nous continuons le combat !
Jean-François Martel