Un atelier « forum et paroles » CHEZ LES « FICELLE »
Samedi : c’est le dernier jour de ma semaine dans le groupe, début décembre 2019
Une journée de techniques introspectives, animée par Bruno et Noémie.
Bruno, qui a suivi un de mes stages de formation à Lille à ces techniques, voilà quelques années, me reçoit chaleureusement, et me présente comme un « historique » du TO en France ! C’est très sympa de sa part d’accepter son ancien formateur parmi les participants, j’apprécie ces relations, où on peut être tour à tour formateur et participant.
On commence par « le samouraï » : En cercle, les personnes sont des samouraïs, armés de leur épée (imaginaire). Une première personne vise, en la regardant bien dans les yeux, une autre personne, en abattant son épée avec un son guerrier. La personne blessée se penche en arrière avec un autre cri et les deux personnes qui l’encadrent l’abattent en plantant leur épée dans son ventre avec un troisième cri. La victime relance sur une autre personne. Tous ces mouvements se font en trois temps, en gardant un rythme régulier. 1 : le samouraï abat. 2 : la personne visée s’effondre. 3 : les deux personnes sur le côté l’abattent, en même temps. 4. La victime relance. Les personnes qui se trompent de gestes ou qui réagissent avant ou après leur tour sont éliminées du cercle. Il s’agit d’un jeu dynamisant, ce qui peut être accentué en accélérant le rythme au fur et à mesure.
– Hypnose colombienne égalitaire :
1ère phase : Le joueur met sa main à une distance d’une vingtaine de centimètres devant les yeux de son partenaire. Le partenaire, comme hypnotisé, suit la main dans tous ses déplacements. L’hypnotiseur fait une série de mouvements avec sa main, de haut en bas, à droite et à gauche, en avant et en arrière, la main verticale par rapport au sol, horizontale, en diagonale – l’hypnotisé doit faire toutes les contorsions possibles pour garder toujours la même distance.
2ème phase : Le joueur hypnotise deux partenaires en même temps avec ses deux mains.
3ème phase : Un joueur au centre hypnotise l’ensemble du groupe. Les participants indiquent en la touchant la partie du corps du partenaire par laquelle il sera hypnotisé. Les joueurs sont hypnotisés soit directement par une partie du corps du personnage central soit par une partie du corps d’un des joueurs déjà hypnotisé par le personnage central, (l’hypnotiseur principal)Le personnage central doit se déplacer très lentement.
Ce jeu permet de travailler l’attention et la bienveillance des uns aux autres.
– Hypnose colombienne inégalitaire :
A deux, un joueur met sa main devant le visage de son partenaire qui doit suivre le déplacement de la main. On inverse, celui qui hypnotisait devient l’hypnotisé. Dans ce premier temps, les deux se mettent dans la même situation physiquement et font cela avec douceur, attention et prise en compte des possibilités de l’autre.Dans un deuxième temps, celui qui hypnotise doit « opprimer » l’autre. En le mettant dans des positions inconfortables par exemple, en changeant de rythme… Puis, à un moment, l’hypnotisé va pouvoir résister à cette oppression et trouver des stratégies pour se défendre, tout en maintenant la relation, les règles du jeu.
– Compléter l’image, 3 par 3, avec les consignes «être opprimé, être oppresseur » ensuite, le jeu de l’hypnose, où l’autre est hypnotisé par ma main, avec la consigne « opprimé face à oppresseur, puis avec la consigne de « résister » !
Tout cela est très riche, je ne me lasse pas de ces jeux, que j’ai pourtant animés tant de fois.– – La bascule de pouvoir :
Les situations: « la queue » « rupture amoureuse » accrochage en voiture » « au guichet » « S.A.V. » La consigne: l’un écrase l’autre, l’autre accepte et s’excuse. Mais au « cling » on change, on inverse les rôles !
Moment d’échanges, parler, écouter, sur l’exercice vécu et sur la violence (thème de la journée) en cercle avec un bâton de parole, avec la brève description de 5 techniques introspective, en fiches, au milieu du cercle.
– West Sidé story avec la variante où c’est la personne qui « le sent » qui prend le leadership, pas forcément celle qui est au centre de son équipe. Intéressante manière de résoudre les déplacements : le renvoi en bout de ligne de celui qui vient de mener, et l’avancement des autres vers le centre, que je pratique habituellement : ici ce genre de chorégraphie (parfois un peu floue) n’est plus nécessaire, ces déplacements internes sont supprimés.
Ensuite, vient enfin la question : « avez-vous des situations à explorer ? »
Au début, les prises de parole, comme souvent, oublient le mot « je » les personnes disent « on ». Ainsi des phrases commencent comme ça : « parfois, ON se sent violent quand… », Je vois bien la tendance à l’œuvre, si courante, à parler « en général » plutôt que de donner un récit personnel, concret, circonstancié… Et puis… ça vient !
Une nouvelle technique : « les besoins cachés »
Mon histoire est choisie, je choisis la technique à utiliser. Je ne l’ai jamais vue !
Cette technique, inspirée par la CNV (communication non violente) est centrée sur les besoins non satisfaits, plutôt que sur la volonté. Derrière chaque ressenti négatif, il y aurait un besoin non satisfait »
D’abord, je cherche mes « passeurs », pour reprendre le terme utilisé par Fabienne et naje. Je trouve : APTG qui m’a encouragé à faire de la photo, Claude, et sa pédagogie Non Violente, AB et sa bienveillance quand je suis arrivé au TO.
Bruno : « Ces passeurs sont sculptés à l’aide de trois participants. Tu les as placés dans l’espace autour de toi, à l’endroit le plus révélateur de l’énergie qu’ils t’ont transmise. Les jokers t’ont proposé de leur trouver pour chacun quelques mots qui pouvaient résumer ce qu’ils t’ont apporté. Tu as pu vivre un petit moment au milieu de ces passeurs te répétant ces mots que tu leur as donnés ».
Ensuite, mon récit: c’est un récit du passé lointain, issu de ma carrière d’instituteur, qui est derrière moi, donc… à laquelle je ne changerai rien ! Mon impuissance énervée dans ma relation avec une élève précise : F. elle est effacée, mutique, sans initiative… Mais, c’est quand même actuel : ce travail pourrait me servir avec d’autres enfants, mes petits-enfants, ou d’autres, si je comprends un peu ce qui m’a bloqué et me bloque encore.
J’improvise l’histoire, avec des acteurs que je choisis. F. sera jouée par une femme, Do, avec qui j’ai travaillé ce matin et qui se trouve être (comme par hasard!) institutrice. F, comme d ‘autres élèves, vient me montrer son travail, pour obtenir des corrections, des suggestions, etc.… elle avance, le regard baissé, comme d’habitude, ses mains pendant, croisées en haut de ses cuisses, tenant son cahier. Elle est constamment doublée par d’autres enfants, qui posent rapidement un cahier sur mon bureau, sont volubiles, demandent un conseil et repartent vite. Parfois même, d’autres cahiers recouvrent celui de F sur mon bureau, tandis que je tente de croiser, capter son regard, en vain. Puis je dois quitter mon bureau, ce moment dédié aux corrections est terminé, je suis réclamé par un groupe de travail. F. n’aura pas eu de réponse… aux questions qu’elle n’a pas posées !.. C’est affreux ! Fin de l’impro.
Je sculpte ensuite 3 ressentis :
-mon envie de la secouer par les épaules
-lui vomir dessus avec une grimace
-la supplier à mains jointes
3 participants prennent les trois images des trois ressentis, et rejouent chacun leur tour la scène en étant uniquement ce ressenti avec cette image.
A la fin de chaque improvisation, les jokers me demandent de m’adresser au personnage qui jouait mon ressenti et de lui dire : « tu es mon besoin de… et je suis insatisfait quand…. »
Très important : ce besoin doit être exprimé comme un besoin universel éprouvé par tout humain·e.
Un besoin me marque profondément : (j’ai même oublié les autres !)
-j’ai besoin de rencontrer l’humanité de F. et je suis insatisfait quand je n’y arrive pas »
Bruno « Les jokers t’ont demandé quel était le besoin insatisfait qui semblait le plus pertinent à visiter ce jour-là. Puis ils t’ont proposé de retrouver tes passeurs pour que tu puisses imaginer que grâce à leur aide, tu avais pu trouver dans d’autres circonstances les ressources nécessaires pour satisfaire ce besoin universel. Et donc au milieu de tes passeurs, fort de cette « imagination », tu as été invité à rejouer la scène de départ avec les mêmes partenaires. Un des buts étant de vérifier par le théâtre si ce besoin non satisfait est bien le principal dans cette scène ».
Dans l’impro finale, j’ai fini par accéder aux feuilles de F. et corriger son travail ! Comment ? Do, qui joue F. a eu un grand soulagement, dit-elle, quand je me suis intéressé directement et activement à ses feuilles et… pas à elle ! J’ai ouvert ses feuilles, les ai regardées, sans que ni F. ni moi ne disent rien ! Sinon, elle aurait eu encore trop peur… Je crois même (j’en suis sûr) avoir croisé son regard après avoir corrigé son texte, avant qu’elle ne reparte…
Bilan en grand groupe, échanges…
Ce que j’en tire :
Je savais déjà, bien sûr, que F. avait peur de moi (et des autres). Mes tentatives pour entrer directement en relation étaient souvent vaines. En pédagogie Freinet, nous nous disons souvent « remettre l’enfant au centre » au centre de ses apprentissages, ses découvertes, etc… C’est un enfant, une personne, avant d’être un élève. Mais là, clairement, la relation ne pouvait qu’être médiatisée : ici, médiatisée par son cahier ! Il lui fallait que je regarde son cahier, pas elle ! D’autant qu’elle devait bien sentir que cette attitude introvertie n’était pas ce que j’espérais… Elle était donc jugée avant d’avoir montré quoi que ce soit. Il me fallait donc ici, faire un peu comme ces maitres traditionnels qui corrigent des cahiers HORS de la présence de l’enfant lui-même ! Moi qui croyais tant que c’est en lui montrant les erreurs, en la faisant les débusquer, que je pouvais l’aider à progresser… Sans doute, avec beaucoup cela fonctionnait ainsi. Mais F. avait besoin de beaucoup plus de distance… « Quoi ? Celle-ci ne m’aime donc pas » ? « avec tout ce que je fais pour cette classe ? » voilà ce que je devais me dire, en lui en voulant ! Et c’était le blocage.
Avec les enfants et d’autres, je sais que j’ai plus de mal avec ceux qui sont distants, qui ne « disent pas » ne se livrent pas beaucoup. Or, respecter la distance dont ils ont besoin, ce serait peut être prendre en compte leur travail, leur chant, leur découpage, leur dessin, leur puzzle, m’attacher à en dire des choses, éventuellement même à corriger, rectifier, mais en me centrant sur la production elle-même, pas tout de suite sur l’enfant ! Mais… c’est pour moi, une attitude « contre intuitive ».
Voilà, il m’a fallu atteindre 70 ans et cette journée de stage pour formaliser cela !
Merci. JF Martel jf.martel@orange.fr (texte relu et complété par Bruno) ficelleetcompagnie@netcourrier.com